Malgré tous les efforts fournis pour l’éviter, l’incident se produit. Souvent, à l’origine du problème, une prise de décision erronée, un choix humain biaisé. Il arrive, que nous soyons au mauvais endroit au mauvais moment, mais l’accidentologie (science de l’étude des accidents) nous prouve que dans une grande majorité des cas le facteur prédominant est humain !
DES ÉLÉMENTS QUI AUGMENTENT LA VULNÉRABILITÉ :
L’analyse de risques est évolutive. Il ne s’agit pas d’un élément figé : les menaces évoluent au fur et à mesure des jours, tout comme les vulnérabilités de l’explorateur. Si sa meilleure connaissance du milieu est un atout important, le sentiment de maitrise et l’habitude sont les ennemis de la vigilance. Les moments d’euphorie liés à l’accomplissement d’une étape difficile favorisent aussi les erreurs aux conséquences parfois critiques. La fatigue, bien entendu, ouvre la voix des erreurs de manipulation. La pression de la soif, ou l’isolement, obscurcissent le jugement, déjà bien empêtré dans les biais cognitifs suivant.
DES BIAIS QUI CONDITIONNENT NOS CHOIX :
Il arrive presque toujours un moment où l’explorateur doit prendre une décision engageant sa sécurité. Appeler les secours au risque de stopper l’expédition ? Continuer ou renoncer ? Passer par l’itinéraire prédéterminé ou contourner un obstacle au dernier moment ? Se soumettre à la météo et ralentir le rythme, au risque de ne plus avoir assez de nourriture à la fin du périple ? De multiples biais viennent alors influer sur nos choix :
- Le biais de preuve sociale : « si d’autres l’ont fait, c’est que je peux le faire ».
- Le biais de facilité : « si j’ai réussi une étape plus difficile, je suis capable de réaliser celle-ci ».
- Le biais de familiarité : « je connais, je maitrise, je ne crains rien ».
- Le poids de l’objectif : une expédition fortement médiatisée ? des sponsors un peu trop impliqués ? de grosses sommes d’argent en jeu ? des choses à prouver ? le poids de l’objectif peut pousser l’explorateur à continuer alors que tous les signaux sont au rouge, en biaisant sa perception de l’équilibre risques/bénéfices.
- L’effet de rareté : une chose rare est attirante. Si la fenêtre de tir est étroite, cela donne encore plus envie de foncer. Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation.
- Le biais de cohérence : il est toujours plus facile, surtout pour un esprit fatigué, de prendre une décision dans la lignée de celles prises précédemment… et c’est souvent à ce moment qu’on rate l’embranchement qui nous aurait évité l’incident !
- Et enfin, le biais de confirmation : quand notre cerveau fonctionne encore à peu près et qu’il se prête à l’analyse, il aura tendance à rechercher des informations qui confirment sa vision première. « Allez, ça passe ! ».
D’UN INCIDENT MINEUR À L’INCIDENT CRITIQUE :
Lorsque l’on étudie la chaine de développement d’un incident (moments-clés et pondération des facteurs), on s’aperçoit que l’un de ces biais s’active à la rencontre d’une difficulté, transformant souvent un incident mineur en incident plus important, dont la criticité augmente progressivement, par la succession de « petites mauvaises décisions ».
Dès la survenance des premiers signaux, il s’agit de « débugger » notre cerveau : s’arrêter, respirer, monter le campement, se concentrer sur autre activité sans risque, et si possible échanger avec une personne extérieure qui apportera une vision différente de la situation, et envisagera plus froidement les options et leurs conséquences à court et moyen terme. L’appui d’une équipe ou d’un back-up sécurité est ici d’une grande plus-value. Retarder de quelques heures un mouvement pour permettre à une petite blessure de se soigner peut paraitre inconcevable pour la personne sur le terrain, et sera pourtant la meilleure option pour, à long terme, permettre la réalisation de l’expédition !
LA GESTION DE L’INCIDENT : PRISE EN CHARGE IMMÉDIATE ET SUIVI
La prise en considération des signaux faibles est parfois impossible pour de multiples raisons. Il est cependant indispensable de disposer d’un système de prise en charge en cas d’incident. A ce titre, voici les éléments à prioriser :
- Capacité de l’explorateur solo à se secourir lui-même
- Système d’alerte facilitant (activable ou passif)
- Protocoles clairs d’activation d’une cellule de gestion d’incident ou de crise
- Présence d’un soutien physique outillé, dans une courte distance
- Prédisposition de moyens d’évacuation rapide sur zone proche
- Base arrière équipée et prête à recevoir l’explorateur
- Prise en charge médicalisée ou évacuation
- Protocoles de communication avec les familles, les partenaires, les médias le cas échéant
- Gestion des conséquences à long terme (psychologiques, financières, diplomatiques).
LE COÛT DE LA SÉCURITÉ
Aujourd’hui, de nombreux néo-aventuriers se lancent dans des expéditions, inspirés par Mike Horn ou d’autres grands noms de l’exploration. En solo, parfois à deux, avec de petits moyens, souvent. S’équiper, ou se faire accompagner par des professionnels n’est pas une priorité : le besoin n’est pas identifié, et les budgets sont serrés.
Le coût d’un incident géré dans l’urgence est pourtant bien plus important que celui de la prévention et il est aujourd’hui possible de demander conseil dans se ruiner.
Retrouvez notre article de blog de Marine Meunier, préparatrice de voyage chez Get Ready sur l’analyse des risques .